DEWEX 2013 : chlorophylle de surface
  • En direct des laboratoires

Alerte sur les formations d’eau dense en Méditerranée ! (LOMIC, LOV, LOCEAN)

Les zones de convection profonde, où se forment les eaux denses (i.e. profondes) en Méditerranée, sont caractérisées par des conditions océanographiques et atmosphériques spécifiques. 

Des mélanges verticaux intenses, mais très localisés, s’y produisent en hiver. Ce phénomène est à l’origine d’un apport important de nutriments dans les eaux de surface et de l’exportation de matière organique vers les eaux profondes ainsi que de leur oxygénation et du brassage des communautés planctoniques. Il contribue au fonctionnement des écosystèmes profonds et au stockage du carbone à moyen/long terme. Dans le contexte du changement climatique, les scénarios prédisent pour le XXIe siècle une diminution de ces convections profondes en Méditerranée en raison notamment d’un réchauffement des couches de surface. Les conséquences de ces modifications sont encore mal appréhendées.

L’action DEWEX du programme MISTRALS a été conçue pour coupler les mesures de nouvelles plates-formes autonomes avec l’imagerie satellitaire et l'acquisition de données de terrain par échantillonnage (6 campagnes océanographiques en 2012-2013). Il s’agissait de combler nos connaissances lacunaires et d’affiner les modèles numériques utilisés pour prévoir l’évolution des écosystèmes marins dans les décennies à venir. Ces modèles améliorés ont montré dans un premier temps (entre 2009 et 2013), des formations hivernales intenses d’eau profonde systématiquement plus dense, puis dans un second temps (depuis 2013), une diminution significative des convections hivernales qui se traduit par une augmentation de la température et de la salinité des eaux intermédiaires.

Les résultats des modèles couplés physique-biogéochimie montrent que la diminution de la formation d’eau dense a des conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes pélagiques. En effet, lorsque la convection est profonde et atteint le fond, l’enrichissement en nutriments de la couche de surface est important et plutôt favorable à des organismes comme les diatomées (du fait de rapports stœchiométriques plus élevés en silice). Ces derniers sont particulièrement efficaces pour le stockage de carbone dans les fonds marins. En revanche, lorsque la convection se limite aux couches superficielles, l’apport en nutriments est moindre et favorise le développement d’autres organismes du phytoplancton comme les dinoflagellés qui ont un devenir et un impact différents dans les réseaux trophiques.

L’approche multi-échelle et multi-outils inédite rendue possible par le programme MISTRALS a donc permis de mieux comprendre les relations entre convection et écosystèmes (Conan et al. 2018). Il apparaît clairement aujourd’hui qu’une modification du processus de formation d’eau dense aura des conséquences irréversibles sur les équilibres dans les écosystèmes marins et plus généralement sur les équilibres climatiques. En effet, les zones de convection hivernale sont responsables d’une quantité importante de l’export de carbone organique vers les couches profondes à l’échelle annuelle avec un bilan jusqu’à huit fois plus élevé qu’ailleurs !

Légende la carte : Cartes des concentrations en chlorophylle a de surface pendant l’opération DEWEX au cours de l’hiver-printemps 2013, marqué par une intense convection profonde (fournies par F. Kessouri). Ces cartes de méditerranée Nord occidentale illustrent en hiver, le fameux « blue hole » (bleu foncé à gauche) à l’origine ensuite de l’efflorescence printanière (en rouge à droite).

 

En savoir plus :

Conan P., P. Testor, C. Estournel, F. D’Ortenzio, M. Pujo-Pay, and X. Durrieu de Madron (2018). Preface to the Special Section: Dense Water Formations in the Northwestern Mediterranean: From the Physical Forcings to the Biogeochemical Consequences, Journal of Geophysical Research: Oceans, 123 (10): 6983-6995. DOI 10.1029/2018JC014301

Source :  CNRS/INSU