Ælizabeth Esnault, en stage au LOV

Les bourses offertes par l'Institut de l'Océan pour des projets de Master 2 ont permis à des étudiants d'horizons très différents d'effectuer des stages au sein des stations marines.

Ælizabeth Esnault, 23 ans, étudiante à l'IEP d'Aix en Provence partage son expérience au LOV et Mesopolhis-IEP d'Aix.

Ælizabeth Esnault,

Quelle est votre formation?

Je suis actuellement étudiante en Master II « Géostratégie, Défense et Sécurité Internationale » à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence. Ancienne élève de la Section Internationale Espagnole du Lycée Marseilleveyre de Marseille, j’ai reçu durant onze ans une formation très approfondie en langue castillane ainsi qu’en histoire géographie et culture du monde hispanoaméricain. Mes études à Sciences Po Aix dans le cadre du Master GDSI m’ont permis d’élargir ces connaissances à d’autres aires culturelles et enjeux géopolitiques, et je m’intéresse également aux sociétés et religions de l’Antiquité.

Dans quelle structure effectuez-vous votre stage ?

En tant qu’étudiante en Master 2 à Sciences Po Aix, j’effectue actuellement mon stage de recherche à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix en Provence - Centre Mesopolhis ainsi qu'au Laboratoire d’Océanologie de Villefranche (UMR Sorbonne Université et CNRS).

Pourquoi ce choix ?

Cette opportunité de stage m’a été proposée par le professeur B. Pouget de Sciences Po Aix, dans le cadre du deuxième mémoire de recherches à rédiger pour valider le diplôme de l’IEP d’Aix-en-Provence. J’avais alors déjà eu l’occasion de me confronter à la recherche en histoire durant la rédaction de mon premier mémoire sur « Les relations diplomatiques entre l’Espagne républicaine et l’Union soviétique durant la Guerre Civile espagnole ». Le caractère inédit d’une étude sur l’histoire médicale de la ciguatéra, la perspective de me déplacer en France dans divers centres d’archives et les enjeux autour de l’écologie et la santé humaine ont pesé de manière décisive dans mon choix.

Quel est le projet sur lequel vous travaillez ?

Il s’agit d’une mission de recherche intitulée « Histoire de la ciguatera, une intoxication alimentaire commune dans les régions tropicales, via l’analyse des registres médicaux de la marine française. » L’objectif est de déterminer si des références explicites de la ciguatéra (diagnostics, entrées de journaux,… ) existent dans les carnets de campagne de médecins de la Marine depuis le 19ème siècle. Je vise à travers ces campagnes d’archives à mieux comprendre l’historique de la prise en charge médicale et scientifique de cette grave intoxication alimentaire qui touche nombre de pays des Caraïbes et d’Océanie ainsi que de l’Océan Indien. En effet, en dépit d’avancées scientifiques majeures sur le sujet depuis les années 1970, la ciguatéra reste une maladie marquée par de nombreuses zones d’ombre qui limitent sa prévention auprès des populations et compliquent le travail des chercheurs.

Est-ce la première fois que vous travaillez sur des questions liées aux océans ?

Si j’ai déjà eu l’occasion de réaliser des travaux sur des thématiques liées à la géopolitique maritime, cette mission de recherche m’a amenée pour la première fois à travailler sur le domaine entièrement nouveau pour moi qu’est la biologie marine. En effet, la ciguatéra est un « ichtyosarcotoxisme », une intoxication alimentaire provoquée principalement par l’ingestion de poissons contenant de la ciguatoxine. Il était donc nécessaire d’acquérir des rudiments d’ichtyologie (zoologie des poissons) et de toxicologie – absents de fait de ma formation à Sciences Po Aix - afin de pouvoir étudier pleinement les documents obtenus durant mes campagnes d’archives.

Vous sentez vous concernée par les questions environnementales et notamment sur la préservation des océans ?

Etant issue d’une famille de marins, la mer a toujours occupé une place de premier plan dans mon éducation. Comme nombre d’individus de notre époque, je m’inquiète des conséquences des activités humaines sur le climat et les écosystèmes planétaires, des activités qui menacent non seulement l’avenir de l’Humanité mais également celui des autres espèces vivantes. Je suis également sensible aux contributions que je peux aborder en modifiant ma consommation et mon alimentation afin de préserver les ressources halieutiques et la qualité des eaux des océans. A cet égard, la très grave pollution aux plastiques d’octobre novembre 2021 dans la rade de Marseille a représenté un véritable choc pour moi et mon entourage.

Comment se passe votre stage ?

Je réalise mon stage en mode comodal : du fait de la crise sanitaire due à la Covid-19, une partie de mes activités consistent à télétravailler chez moi où j’analyse les sources bibliographiques et documents historiques en ligne (par exemple sur la Base Medica de l’Université Paris Descartes) afin de mieux comprendre et délimiter mon sujet de recherches. Dans un second temps, je me rends quand cela est possible (étant donnée la difficulté de trouver des inventaires d’archives mentionnant la ciguatéra) dans des centres de documentation comme les Archives Nationales d’Outre-Mer ou le Service Historique de la Défense à Toulon. Dans un troisième temps, j’analyse les milliers de photographies réalisées et en tire les conclusions nécessaires à la rédaction de mon travail. Cela me permet d’obtenir une vision d’ensemble du sujet et de rédiger mes rapports auprès de mes encadrants.

S’agit-il d’un projet pluridisciplinaire ?

J’ai le privilège de pouvoir réaliser ce stage de recherches sous la supervision de deux encadrants : les professeurs Rodolphe Lemée du Laboratoire d’Océanologie de Villefranche-sur-Mer et Benoît Pouget de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence – Centre Mesopolhis. Il s’agit effectivement d’un projet pluridisciplinaire dans le sens où je dois mobiliser des concepts scientifiques aussi bien en biologie marine, en toxicologie qu’en histoire médicale coloniale et tropicale.

Comment se passent vos relations avec vos encadrants ?

Mes relations professionnelles avec mes professeurs encadrants sont très bonnes et saines. Nous échangeons régulièrement par courriels et visioconférences afin d’étudier les résultats de mes investigations et orienter au mieux mon travail.
Je leur fais part de mes nouvelles pistes d’études et ils me recommandent en retour des personnalités scientifiques susceptibles de m’aider dans mes recherches.

Qu'avez-vous appris durant ce stage ?

La ciguatéra est une maladie complexe dont la nature n'a commencé à être comprise qu’au début des années 1960-1970. La rareté des sources scientifiques et archives m’a donc incitée à être plus flexible et autonome afin d’élargir mon horizon de recherches à de nouvelles régions et domaines scientifiques. Il est à noter que, bien que la ciguatéra touche de très nombreux pays en Océanie, dans les Caraïbes et l’Océan Indien, peu d’Etats et territoires disposent des moyens et personnels qualifiés suffisants pour évaluer pleinement l’impact de la maladie sur leurs populations. Le réel impact de la ciguatéra serait ainsi fortement sous-évalué et je me dois d’en tenir compte dans le cadre de mon travail.

Qu'est-ce qui vous a surpris durant ce stage ? Qu'avez-vous apprécié le plus ?

Contrairement à mes attentes initiales, j’ai été surprise par la rareté des mentions de la ciguatéra au sein des archives et documents que j’ai été amenée à consulter. Ces difficultés que je n’avais alors pas anticipées au début de mon stage peuvent s’expliquer de multiples façons : découverte assez tardive des organismes à l’origine de la ciguatoxine (par exemple le genre « Gambierdiscus » découvert par en 1979) ; possible confusion avec d’autres maladies ou toxines ; diagnostics erronés ou biaisés faute de matériel d’analyse adapté à bord des navires ou à terre.
Face à ces contraintes, j’ai été très touchée par le soutien et le temps accordé par les scientifiques de l’Institut Louis Malardé de Polynésie-Française et de l’Ifremer de Martinique lors de nos entretiens.

Cette expérience vous conforte –t-elle dans vos choix de carrières/d’études ?

Au terme de mon cinquième mois de stage, j’admets avoir développé un goût certain pour l’investigation historique approfondie et la confrontation d’hypothèses autour de mon sujet de recherches. La consultation de registres médicaux, de journaux de navigateurs peu connus ainsi que les inventaires de services de santé d’anciennes colonies est une démarche très émouvante et stimulante que j’espère pouvoir reproduire à l’avenir.

Qu'envisagez-vous de faire par la suite ?

J’envisage d’intégrer l’année prochaine une formation en Master « Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation » afin de préparer les concours de l’enseignement en histoire-géographie. Je n’exclus d’ailleurs pas la possibilité de préparer en même temps ou dans un avenir proche les épreuves de l’agrégation en histoire. Mon souhait est de pouvoir à terme réaliser une thèse de doctorat sur des thématiques qui me sont chères (genres, culture et religion dans les sociétés anciennes que j’évoquais plus tôt).

Appel à projets de Master 2

L' appel à projets de Master 2 de l'Institut de l'Océan est ouvert jusqu’au 9 septembre.

Nous invitions les porteurs de projets de Master 2 dans les labos et stations marines de l'Alliance Sorbonne Université à nous soumettre leurs propositions.