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Des gènes anciens ont permis aux dauphins de s’adapter à de nouveaux habitats (MIVEGEC -CEBC)

Comprendre comment les espèces s’adaptent aux changements environnementaux est une question centrale et d’actualité en biologie évolutive.  (source site CNRS/INEE)

Un consortium scientifique international a étudié l'évolution parallèle des écotypes côtiers de grand dauphin à travers le monde en analysant leurs génomes par rapport à ceux des écotypes pélagiques. Les résultats publiés dans le revue Science Advances montrent que le polymorphisme génétique ancestral a été déterminant pour l’adaptation post-glaciaire des dauphins aux habitats côtiers. 

Comprendre les processus qui permettent aux espèces d'étendre leur aire de distribution et de s’adapter aux conditions environnementales qu’elles trouvent dans de nouveaux habitats est une question essentielle et d’actualité en biologie évolutive. Des scientifiques adressent cette question en étudiant l'évolution parallèle de paires d'écotypes d’une espèce très sociable et longévive, le grand dauphin (Tursiops truncatus).

Au cours des changements climatiques passés du Quaternaire, les grands dauphins ont formé deux écotypes de façon répétée à travers les océans du monde : les dauphins "pélagiques" et les dauphins "côtiers". Comment sont apparus ces deux écotypes ? Sont-ils apparus de façon indépendante dans les différentes régions du monde ? Ou bien les populations d’un même écotype descendent-elles d’un ancêtre commun les rendant plus apparentés les uns aux autres que les populations de l’autre écotype ? Des différences dans le génome des deux écotypes ont-elles facilité cette divergence adaptative ? Les dauphins côtiers dans des régions différentes du monde présentent-ils des adaptations moléculaires communes qui indiqueraient leurs rôles déterminant dans cette évolution parallèle ? Pour répondre à ces questions, les auteurs de cette étude ont séquencé et analysé les génomes complets de 57 grands dauphins côtiers et pélagiques de trois régions : l’Atlantique Nord-Est, l’Atlantique Nord-Ouest, et le Pacifique Nord-Est. 

Les résultats indiquent que les écotypes pélagiques et côtiers ont évolué de façon indépendante entre l’Atlantique et le Pacifique alors que les écotypes dans l’Atlantique ont une histoire évolutive commune. Ils montrent également que certaines régions génomiques sous sélection sont les mêmes dans les populations côtières des trois régions géographiques éloignées ; elles sont donc très vraisemblablement impliquées dans l’adaptation des dauphins aux habitats côtiers. L’un des résultats les plus frappants montre que les régions génomiques sous adaptation parallèle dans les différentes populations côtières sont beaucoup plus anciennes que le reste du génome. De plus, celles-ci sont aussi présentes à faible fréquence chez les dauphins pélagiques. Les scientifiques concluent donc que ces variations génétiques anciennes (ou polymorphisme ancestral) et partagées ont contribué de manière déterminante à la capacité des grands dauphins à travers le monde à s'adapter aux milieux côtiers libérés des glaces au cours des périodes post-glaciaires. Plusieurs de ces régions génomiques impliquées dans l’adaptation répétée des dauphins aux milieux côtiers sont associées à des gènes impliqués dans les capacités cognitives et l'alimentation. Ces résultats suggèrent que le comportement social a pu faciliter la capacité des grands dauphins à s'adapter à de nouvelles conditions. 

Pour conclure, cette étude montre que des variations génétiques anciennes, présentes dans les populations pélagiques et leur ancêtre, ont été reconditionnées de façon répétée lors de la formation de nouvelles populations côtières, lors par exemple de l’apparition de nouveaux habitats côtiers à la fin du dernier Âge de Glace. Ces résultats contribuent à un nombre croissant d'études qui montrent que la variabilité génétique ancienne ou polymorphisme ancestral est importante pour l’adaptation rapide des espèces aux changements de leur environnement. Cette variabilité génétique ancienne sera peut-être critique pour la capacité des espèces à faire face aux rapides changements globaux.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS / IRD / Université de Montpellier)
  • Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)