microbiote LBI2M
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Deux types de microbiotes successifs participent à la dégradation des algues laminaires (LBI2M Roscoff)

Les algues brunes laminaires forment d’impressionnantes forêts sous-marines qui captent le carbone par photosynthèse. 

Une partie de cette biomasse est régulièrement arrachée et se dépose sur le fond, offrant ainsi une source nutritive temporaire pour d’autres organismes. Une étude publiée dans la revue Environmental Microbiology révèle comment évoluent les communautés bactériennes sur ces algues immergées en dégradation, une étape clé dans le devenir du carbone.

Les forêts de laminaires font partie des écosystèmes les plus productifs de la planète, mais aussi parmi les plus menacés par le changement climatique. Emblématiques des côtes bretonnes, elles sont retrouvées dans les zones côtières tempérées et arctiques de la planète. Régulièrement, des fragments de laminaires sont détachés par les tempêtes saisonnières ou au cours du cycle de vie naturel des algues. Selon les courants et la topographie du terrain, ces algues arrachées s’accumulent en grande abondance au fond de l’eau, offrant ainsi un habitat et une source nutritive temporaires pour d’autres organismes. Parmi eux, les bactéries jouent un rôle clé dans le devenir du carbone assimilé par ces algues. Dans le cadre des projets ANR IDEALG et ALGAVOR, des microbiologistes et des écologues de la Station Biologique de Roscoff se sont associés pour étudier les bactéries vivant à la surface des algues en dégradation (le "microbiote").

Les scientifiques ont mimé l’accumulation naturelle de laminaires détachées en enfermant des morceaux d’algues dans des cages immergées au fond à 10 mètres de profondeur en Baie de Morlaix. Les cages ont été échantillonnées à intervalles réguliers pendant 6 mois afin de suivre le devenir des algues. Au terme de l’expérience, 85% de la biomasse des algues a disparu, montrant l’efficacité des processus de dégradation et l’impact sur la faune environnante. L'analyse du microbiote montre que deux types de communautés bactériennes associées à la dégradation des laminaires se sont succédés.

Lors des 6 premières semaines, les algues détachées ont été principalement colonisées par des bactéries connues comme spécialistes de l’utilisation de polysaccharides complexes, des composés très abondants dans les tissus d’algues. Après 11 semaines, d’autres bactéries se sont installées. Elles pourraient être des bactéries opportunistes, profitant des composés plus simples libérés lors de la dégradation algale par les premières bactéries spécialistes. Par ailleurs, cette accumulation de laminaires a également montré un impact sur les communautés bactériennes du sédiment sous-jacent, favorisant notamment la croissance de bactéries anaérobies (vivant sans oxygène).

Même si le microbiote des algues vivantes commence à être bien caractérisé, peu d’informations étaient jusqu’ici disponibles sur son évolution sur des algues détachées. Ces nouvelles observations soulignent le rôle majeur des micro-organismes pour la dégradation des algues en milieu côtier, une étape clé pour l’entrée des composés algaux dans la chaîne alimentaire des écosystèmes marins, mais aussi dans le devenir du carbone capté par les algues et ses voies de stockage possibles. Elles mettent en lumière de potentielles interactions coopératives entre différentes familles de bactéries marines aux fonctions complémentaires pour la dégradation des algues, dont les mécanismes restent à élucider.

Accumulation of detached kelp biomass in a subtidal temperate coastal ecosystem induces succession of epiphytic and sediment bacterial communities
Brunet M, de Bettignies F, Le Duff N, Tanguy G, Davoult D, Leblanc C, Gobet A & Thomas F.).. Environmental Microbiology 5 Janvier 2021.

Source : site INSB