Appel à projets sur les EMR
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Exploiter le potentiel des énergies marines renouvelables à l'échelle pan-européenne

La Commission européenne juge réaliste et réalisable l’atteinte d’une capacité installée d’au moins 300 GW d’énergie éolienne en mer d’ici 2050. Condition préalable : un grand coup d’accélérateur du soutien public à la recherche et à l’innovation !

Atteindre les 300 GW de puissance installée, tel que le définit la stratégie européenne, correspond à une multiplication par 30 de la capacité d’énergies renouvelables en mer en 30 ans. Un tel rythme de croissance n’a jamais été atteint pour aucune technologie énergétique jusqu’à présent. Sans une coordination européenne sans faille à tous les niveaux, l’objectif a bien peu de chance d’être atteint. Nous concentrerons ici notre propos sur la dimension technologique et les indispensables investissements en R&D, dont la stratégie fait « une condition préalable importante ».

Une accélération formidable va devoir se mettre en œuvre au cours des toutes prochaines années. La comparaison de deux chiffres cités par la Commission permet d’en donner une idée. L’investissement nécessaire est estimé à 800 milliards d’euros, que l’on peut comparer aux 496 millions que le 7e programme cadre et Horizon 2020 ont consacré à l’énergie éolienne au cours des 10 dernières années. La poursuite de cette tendance pendant les 30 prochaines années permettrait d’atteindre environ 1,5 milliard d’euros. Cela représente moins de 0,2 % de l’effort estimé. L’Union européenne doit donc, pour atteindre une capacité d’énergie renouvelable en mer 30 fois plus grande, multiplier ses investissements par plus de 530. A quoi consacrer une partie substantielle de ces 800 milliards ? On peut distinguer 3 axes de recherche, développement et innovation. Les deux premiers sont plus orientés vers l’innovation et le développement ; le dernier a un caractère plus amont.


Les technologies des futurs proches et lointains de l’éolien en mer

Premièrement, devront être renforcés et approfondis les travaux sur les technologies de base de l’éolien en mer : conception des turbines, développement des infrastructures, matériaux circulaires et numérisation. Avec, dans un avenir proche, l’arrivée de nouveaux matériaux de pointe, qu’ils soient utilisés pour les générateurs (supraconduction) ou pour les tours (composites bois par exemple). Ici, l’urgence devrait être de financer de la recherche technologique en matière d’optimisation des procédés de fabrication existants, comme la production de pales à grande échelle. Parallèlement, un besoin important d’innovations se fait jour sur la chaîne d’approvisionnement. On peut ici citer le développement de multiplicateurs1 assez compacts pour tenir dans un conteneur d’expédition standard.

Deuxièmement, des recherches avancées doivent être menées qui impliquent des investissements conséquents : les besoins sont flagrants et urgents en matières d’infrastructures et de technologies de réseau électrique. De nouvelles approches restent à développer pour garantir un maillage efficace. En particulier, le courant continu à haute tension (CCHT) représente une technologie nouvelle pour le transport de l’électricité produite sur de longues distances. Ces technologies garantissent, dans le respect des normes et exigences du réseau, l’interconnexion des parcs éoliens et des réseaux pour l’acheminement de l’électricité générée en mer vers les clients sur terre. Une coopération européenne robuste devra impérativement se mettre en place pour investir suffisamment – les coûts sont très élevés – et pour surmonter les difficultés d’interopérabilité entre convertisseurs2 (de différentes sociétés). D’ici à 2030, la Commission, à travers le programme Horizon Europe, va contribuer à l’installation du premier système CCHT multifournisseur et multiterminal en Europe.

Troisièmement, les futurs réseaux en mer vont nécessiter de nombreux travaux de recherche technologique sur les aspects cruciaux de la flexibilité et du stockage. Gérer l’intermittence de la production électrique éolienne doit guider les concepteurs des systèmes d’intégration : intégration, au mieux des intérêts du réseau, de l’énergie produite par les parcs éoliens en mer vers le système énergétique. Cela implique des efforts importants sur les batteries et la numérisation ; en particulier, pour l’usage du vecteur hydrogène (et de l’ammoniac). Quid de la conversion sur site (en mer) de l’électricité d’origine éolienne en hydrogène ? Quelle combinaison de technologies rendra la circulation de l’hydrogène terre-mer et/ou mer-terre efficace ?


Des actions à venir dans Horizon Europe, un appel à l’action coordonnées des États-membres

Le lecteur intéressé trouvera dans le programme de travail d’Horizon Europe pour 2021 (à paraître en avril 2021) et 2022, une importante série d’actions de soutien à l’éolien en mer. La Commission propose ainsi, par exemple (cf p. 24) :

  • de développer de nouvelles technologies éoliennes, océaniques et solaires flottantes, par exemple dans le cadre d’Horizon Europe ;
     
  • d’améliorer l’efficacité industrielle tout au long de la chaîne de valeur de l’énergie éolienne en mer, notamment au moyen de technologies numériques utilisant des approches fondées sur les données et de dispositifs de l’internet des objets.

Elle suggère aussi d’autres actions non directement liées à Horizon Europe ou non directement associées à l’éolien en mer. Et comme, c’est la pratique habituelle à cette échelle, la Commission « invite les institutions de l’UE et toutes les parties prenantes à examiner l’action proposée dans la présente stratégie et à unir leurs forces pour la concrétiser au plus vite ».

Dans l’Union européenne, les énergies renouvelables en mer sont soumises jusqu’à aujourd’hui à un régime de concentration. Concentration des investissements, à l’instar de l’énergie éolienne terrestre et en mer, où le secteur privé finance la R&I à hauteur de 9 euros sur 10. Concentration au sein de certains États membres, l’Allemagne et le Danemark en particulier ; ils sont, et de loin, les plus gros investisseurs publics pour la R&D du secteur. Les 10 plus grandes fermes éoliennes en mer sont toutes en Europe occidentale, et 7 sur 10 sont britanniques. Utiliser les énergies renouvelables en mer, dont l’éolien off-shore, à grande échelle pour un réel soutien au réseau électrique européen, va nécessiter une extraordinaire extension et une bien meilleure répartition des efforts.

Source : la lettre de l'ANRT