Les Sargasses échouées aux Antilles sont envahies de microbes (BOREA)

source : site CNRS/INEE

Des sargasses pélagiques envahissent depuis une dizaine d’années l’ensemble des côtes Atlantique de la région Caraïbe avec un gradient allant de la Guyane jusqu’au Golfe du Mexique. Même si certains des organismes associés à ce complexe d’espèces avaient été décrits, une étude publiée dans Frontiers in Microbiology révèle la diversité des microorganismes procaryotes et eucaryotes associées aux sargasses lors d’échouages en Martinique et Guadeloupe. Ces travaux révèlent des différences importantes entre les microbiotes des macroalgues prélevées sur les plages et celles issues de sites de stockage. La description de bactéries associées au cycle du soufre et d’archées productrices de méthane ainsi que d’autres organismes impliqués dans la biodégradation pourrait avoir des implications dans la gestion et la valorisation de ces déchets.

Biofilm bactérien en surface d’échouages de sargasses dans le port de pêche du Marigot, Martinique. ©  Pascal-Jean Lopez
Biofilm bactérien en surface d’échouages de sargasses dans le port de pêche du Marigot, Martinique. © Pascal-Jean Lopez

Les proliférations accrues et les échouements massifs de certaines macroalgues vertes ou brunes sont devenus un problème mondial. Les accumulations sur les rivages entraînent de nombreux problèmes écologiques avec aussi des conséquences possibles sur la santé. Ils engendrent aussi des questions économiques et de politiques publiques notamment en ce qui concerne leurs ramassages et leurs stockages mais aussi des questions quant à la valorisation de ces déchets.

Initialement décrites dans la mer qui porte leur nom de genre, les sargasses pélagiques, Sargassum natans et Sargassum fluitans, viennent depuis 10 ans s’échouer sur les côtes de l’Afrique et l’ensemble de la Caraïbe, avec parfois des quantités extrêmement importantes estimées à plusieurs dizaines de millions de tonnes pour l’année 2018. Ces véritables radeaux ont été décrits pour la grande richesse d’organismes, dont certains endémiques, qu’ils abritent. Bien que la diversité des bactéries épibiontes de ces sargasses peut varier selon la saison ou les sites de prélèvements, aucune étude ne s’était intéressée aux sites d’échouages.

Au cours de campagnes réalisées durant l’été 2018, qui correspond à l’année de la plus grande quantité de sargasses mesurée dans l’océan Atlantique et donc échouée, des chercheurs du laboratoire de Biologie des Organismes et des Ecosystèmes Aquatiques (BOREA) ont prélevés des sargasses sur les côtes sous le vent de la Martinique et de l’archipel de la Guadeloupe. Ces prélèvements d’eau de mer, de sargasses en cours d’échouement et sur les plages et de sargasses de sites de stockage ont été utilisés pour analyser la diversité des micro-organismes procaryotes et eucaryotes associés à ces algues. 

En étudiant la diversité moléculaire des organismes associés aux sargasses, les scientifiques ont mis en évidence des différences importantes entre ceux présents sur les macro-algues des rivages et ceux issus des sites de stockage. Ainsi parmi les métazoaires, qui sont les espèces les plus abondantes, ils ont pu démontrer que sur les côtes ce sont les bryozoaires, des épibiontes des sargasses, qui sont dominants alors que sur les sites terrestres ce sont les nématodes (vers ronds) où ils jouent vraisemblablement des rôles dans le cycle du carbone et des nutriments.

Les études des bactéries associées et de prédiction de leurs fonctions écologiques démontrent la présence de plusieurs centaines d’espèces impliquées dans le métabolisme du soufre et donc probablement la production d’hydrogène sulfuré, ce gaz nauséabond qui peut entraîner des problèmes respiratoires. L’étude met aussi en évidence sur les sites de stockage la présence d’Archaea capable de produire du méthane.

Cette étude, co-financée par l’ADEME et par l’OHM Littoral Caraïbe et publiée dans Frontiers in Microbiology, se doit d’être continuée en regardant plus finement les variabilités de compositions en fonctions de l’origine, de la diversité et ou de la période d’échouement des sargasses mais aussi de leurs modalités de stockage. Elle nous ouvre des voies pour étudier plus en avant les processus de dégradation des sargasses et leurs valorisations éventuelles. Elle alerte aussi sur les microorganismes associés aux sargasses en tant que nouvelles espèces invasives et/ou pathogènes. Elle appelle ainsi à une meilleure surveillance de ce monde microbien.

Présence de Bryozoaires sur une feuille de Sargasse. © Pascal-Jean Lopez
Présence de Bryozoaires sur une feuille de Sargasse. © Pascal-Jean Lopez
Site de stockage/épandage de sargasses à Marie Galante, Guadeloupe. © Pascal-Jean Lopez
Site de stockage/épandage de sargasses à Marie Galante, Guadeloupe. © Pascal-Jean Lopez
Ramassage de Sargasses sur les plages de Sainte Marie, Martinique. ©Pascal-Jean Lopez
Ramassage de Sargasses sur les plages de Sainte Marie, Martinique. © Pascal-Jean Lopez

 

Laboratoire CNRS impliqué

Laboratoire de Biologie des Organismes et des Ecosystèmes Aquatiques (BOREA – CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne Université)