Prix de la publication de thèse: Emile Faure, candidat

La Fondation de la Mer et l'Institut de l'Océan s'associent pour récompenser les meilleures publications scientifiques de l'océan publiées par de jeunes chercheurs en délivrant le Prix de la Publication de Thèse. 

Nous avons demandé à nos candidats de se présenter. Aujourd'hui, Emile Faure, postdoctorant à l'Institut Universitaire Européen de la Mer, nous présente ses recherches.

Emile Faure, quel est votre parcours universitaire?

Après un bac scientifique spécialité SVT passé à Paris, j’ai effectué une licence en biologie et mathématiques à la station biologique de Roscoff, en Bretagne. Cette licence pluridisciplinaire offerte par Sorbonne Université dans une de ses trois stations marines fut pour moi le moyen de développer des compétences variées dans un cadre exceptionnel, au sein d’une des stations de biologie marine les plus réputées du monde. Pour ma troisième année de licence, je suis parti en échange étudiant aux Etats-Unis, à la California State University Monterey Bay, où j’ai notamment pu suivre des cours de biologie en lien avec le Monterey Bay Aquarium Research Institute.

J’ai ensuite rejoint l’Ecole Normale Supérieure de Paris, afin d’étudier en master l’écologie théorique et la modélisation. Au cours de ce master interdisciplinaire, j’ai eu la chance d’effectuer un stage de 5 mois à Melbourne en Australie sous la direction d’Eric Treml, au cours duquel je me suis intéressé à la modélisation de la dispersion larvaire d’animaux marins (coraux, poissons récifaux,...). Puis en deuxième année j’ai effectué mon stage avec Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences Sorbonne Université au laboratoire d’océanographie de Villefranche sur mer et Lucie Bittner, maîtresse de conférences au Muséum National d’Histoire Naturelle, avec qui j’ai par la suite pu continuer en thèse. Au cours de mon stage de M2 et de ma thèse, j’ai développé des méthodes numériques innovantes de détection et de quantification de traits fonctionnels à partir de données de séquençage ADN haut-débit au sein des communautés planctoniques.

Actuellement, je suis en post-doctorat à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM), à Plouzané près de Brest, et je travaille sur l’écologie des microbes de l’océan Austral à l’aide encore une fois de données de séquençage ADN.

Quelles sont vos recherches?

Un défi majeur du XXIe siècle est de mieux comprendre et prédire les effets du changement climatique et des actions de l’Homme sur le fonctionnement des écosystèmes. Les micro-organismes marins jouent un rôle crucial dans la régulation du climat de la planète via leur influence sur les cycles biogéochimiques globaux. Ils sont par exemple responsables de 50% de la photosynthèse à l'échelle du globe, et sont également à la base des réseaux trophiques alimentant les pêcheries. Une énorme quantité de données issues de séquençage ADN à haut-débit ont été générées ces dix dernières années sur les communautés planctoniques naturelles, notamment grâce à la multiplication des expéditions océanographiques de grande échelle, permettant d’estimer, de plus en plus précisément, leur étonnante diversité. Face à cette quantité de données sans précédent, il apparaît nécessaire de développer des méthodologies innovantes fondées sur les données pour quantifier et prédire le rôle écologique de ces séquences d'ADN. L’enjeu de mon travail est de parvenir à intégrer l’ensemble de ces séquences, dont une grande partie ont des rôles encore inconnus, dans un cadre théorique permettant de lier statistiquement leur présence et leur abondance à des fonctions écologiques et/ou des données environnementales hétérogènes. Au cours de ma thèse, je me suis dans un premier temps intéressé à l’utilisation des données de séquençage haut-débit pour la détection dans l’environnement des organismes unicellulaires eucaryotes mixotrophes, capables de faire la photosynthèse et de se nourrir de proies simultanément. J’ai pu confirmer pour la première fois à l’aide de données de séquençage la forte abondance de ces organismes dans l’océan global et leur présence dans tous les océans du globe, soulignant la nécessité de mieux prendre en compte ce mode trophique dans les représentations théoriques des écosystèmes marins. Dans un deuxième temps, j’ai ensuite pris du recul vis-à-vis de la mixotrophie, pour travailler sur des outils permettant de faire émerger des liens statistiques entre diversité planctonique et environnement sans avoir à sélectionner une fonction ou un groupe d’organismes a priori. Ce choix a mené à ma deuxième publication de thèse, nominée au prix de la publication de thèse de l’Institut de l’Océan et de la Fondation de la Mer. Dans cette étude, nous avons fourni l'une des premières preuves que le contexte environnemental peut être utilisé pour prédire l'abondance des familles de protéines dans l'océan mondial. Plus précisément, notre étude constitue la première tentative d'utilisation des données de métagénomique du plancton pour prédire l'abondance des groupes fonctionnels de protéines à partir de données physico-chimiques. En identifiant environ 15 000 familles protéiques dont il est possible de prédire l’abondance uniquement à partir des variables physico-chimiques (comme la température, la salinité, ou l’oxygène dissous), nous avons ouvert la voie à la construction de modèles corrélatifs à grande échelle basés sur les données de séquençage ADN.

Actuellement en post-doctorat à l’Institut Universitaire Européen de la Mer, je continue de travailler au développement de méthodes permettant de rattacher diversité génomique planctonique et biogéochimie, en me concentrant sur les microbes de l’océan Austral. Cet océan joue un rôle clef dans la biogéochimie de notre planète, puisqu’il est par exemple le premier puits d'émissions de carbone anthropogénique dans l’océan. A l’aide de plus de 200 échantillons métagénomiques récoltés tout autour du continent Antarctique, je travaille à l’établissement du premier catalogue de gènes microbiens jamais construit à l’échelle de l’océan Austral, ainsi qu’à sa caractérisation fonctionnelle et taxonomique. Ce catalogue devrait permettre de mieux décrire la diversité, l’originalité et les adaptations des communautés planctoniques de cet océan particulièrement vulnérable aux changements climatiques.

Référence de l'article d'Emile Faure

Faure, E., Ayata, SD. & Bittner, L. Towards omics-based predictions of planktonic functional composition from environmental data. Nat Commun 12, 4361 (2021). https://doi.org/10.1038/s41467-021-24547-1

Emile Faure, candidat au prix de la Fondation de la Mer et Institut de l'Océan 2022