Prix de la publication de thèse: Robin Gauff

La Fondation de la Mer et l'Institut de l'Océan s'associent pour récompenser les meilleures publications scientifiques de l'océan publiées par de jeunes chercheurs en délivrant le Prix de la Publication de Thèse.

Nous avons demandé à nos candidats de se présenter. Aujourd'hui, Robin Gauff, ingénieur de recherches en postdoctorat à l’IFREMER.

Le parcours de Robin Gauff

Ancien étudiant du Master Sciences de la Mer de Sorbonne Université, Robin s’est formé sur l’analyse de la Biodiversité, l’Ecologie des Communautés et le fonctionnement des écosystèmes. Durant ses études et ses recherches, Robin s’est intéressé particulièrement à l’impact des activités humaines, et notamment la pêche, sur la biodiversité et son fonctionnement. Au Leibniz Centre for Tropical Marine Research, Robin a étudié comment la surpêche dans les eaux indonésiennes pouvait influencer le comportement de poissons récifaux, des espèces essentielles à la bonne santé des coraux branchus. Mais la plus grande partie de ses recherches se sont focalisées sur les effets anthropiques liés à la pollution, le changement climatique et les espèces introduites dans les écosystèmes marins urbains. Durant la préparation de sa thèse à la Station Biologique de Roscoff (Sorbonne Université) ? Robin a centré ses recherches sur la diversité et le fonctionnement des communautés portuaires. Des expériences combinant analyses chimiques environnementales, analyses de la biodiversité et structure de communauté et analyses du métabolisme (métabolomique) ont permis de mettre en évidence certains processus de fonctionnement des écosystèmes urbains et des stratégies d’adaptation des espèces introduites dans ces milieux. Actuellement Robin Gauff poursuit ses recherches avec l’IFREMER et l’Université de  Padou, pour étudier comment la restauration écologique des infrastructures marines pourrait réduire les effets négatifs de l’urbanisation marine.

Son projet de recherche

Les milieux urbains marins constituent des néo-écosystèmes pour les organismes. Néanmoins, dû à la forte intensité des perturbations qu’ils connaissent (pollution, activités humaines, etc.) ces milieux forment un environnement différent des habitats naturels. Dans ces milieux perturbés, les espèces introduites sont nombreuses, car elles sont principalement dispersées par les bateaux et elles sont souvent plus résistantes face aux perturbations. Ces espèces constituent un enjeu majeur, causant des dommages écologiques et économiques très importants (26,7 milliards de $ par an au niveau mondial). Parmi les habitats marins urbains, les marinas ont une importance fondamentale en raison de leur multiplication et parce qu’elles représentent une exacerbation des effets anthropiques sur la biodiversité et les écosystèmes. L’artificialisation dans les marinas vise à modifier l’hydrodynamisme, lequel par la réduction des échanges avec la mer ouverte peut favoriser la concentration de perturbations anthropiquesà travers diverses pollutions. En conséquence, un gradient environnemental peut être présent avec des niveaux de perturbation plus élevés dans les parties les plus internes des marinas, ce qui pourrait agir comme un filtre sélectif pour les organismes. Des précédentes études avaient pu démontrer que la structure des communautés sessiles dans les marinas était corrélée avec un gradient de pollution. Un lien formel de causalité n’a néanmoins jamais pu être démontré.

Le but principal de la présente étude est alors de démontrer ce lien de causalité à travers une expérience in situ, rarement utilisée dans le milieu marin : la transplantation réciproque. Des plaques de recrutement ont été déployées dans trois localisations d’une marina, qui dû à l’altération de l’hydrodynamisme devraient être plus ou moins polluées (entrée < milieu < fond). Plus de 65 différents polluants ont été mesurés dans les sédiments pour vérifier cette hypothèse. Les communautés recrutées ont été disséminées entre les trois localisations pour voir si elles évoluaient. Si ces communautés changent après la transplantation pour ressembler aux communautés témoins de leur destination, cela démontrerait le lien de causalité cité précédemment. Par la suite, il était nécessaire de comprendre par quel processus ces changements s’opèreraient. Ainsi l’accumulation de contaminants dans des organismes et le niveau de respiration communautaire (indicateur de stress physiologique) ont été mesurés et la réponse moléculaire de trois espèces clefs aux conditions environnementales a été analysée par le biais d’analyses métabolomiques.

Le gradient de pollution dans la marina a pu être confirmé avec un niveau de contamination généralement plus élevé au fond de la marina. L’expérience de transplantation réciproque a permis de confirmer la corrélation précédemment observée entre structure de communauté et gradient environnemental, mais aussi de démontrer pour la première fois le lien de causalité. Une présence d’adaptation locale, un processus micro-évolutif, a pu être révélée. Cette adaptation locale était observable au niveau de l’accumulation de contaminants chimiques dans les organismes, mais également au niveau de la respiration communautaire et du métabolome de deux espèces testées. Des marqueurs moléculaires associés à cette adaptation locale ont pu être identifiés et une nouvelle classe de lipides, les Sulfoethanolamines, qui font actuellement sujet d’une deuxième publication en rédaction, ont pu être découverts.

La découverte d’une adaptation locale à cette petite échelle spatiale (< 100 m) permettrait d’expliquer l’un des grands paradigmes inexpliqués des espèces introduites dans les milieux urbains : le fait qu’elles sont nombreuses à être exclusives aux marinas et aux structures anthropiques. L’adaptation aux conditions polluées pourrait constituer un désavantage compétitif dans les milieux non contaminés car elle fait appel à des voies métaboliques couteuses en énergie, ainsi limitant certaines espèces introduites aux habitats perturbés. Cette réalisation permet de proposer des nouvelles voies de lutte contre ces espèces, en les repoussant dans les marinas à travers l’aménagement des espaces urbains et peut-être à travers l’éco-ingénierie.

Référence de l'article de Robin Gauff

Robin P.M. Gauff, Dominique Davoult, Stéphane Greff, Olivier Bohner, Jérôme Coudret, Stéphanie Jacquet, Stéphane Loisel, Simon Rondeau, Laure Sevin, Emmanuel Wafo, Christophe Lejeusne, Pollution gradient leads to local adaptation and small-scale spatial variability of communities and functions in an urban marine environment, Science of The Total Environment, Volume 838, Part 1, 2022, 155911, ISSN 0048-9697,
https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.155911.

Robin Gauff, candidat au prix de la Fondation de la Mer et Institut de l'Océan 2022