Samuel Orgéas-Gobin, lauréat de notre campagne doctorale 2022
Samuel Orgéas-Gobin est l'un des trois lauréats de la campagne doctorale 2022 de l'Institut de l'Océan.
Samuel Orgéas-Gobin
Pouvez-vous nous présenter votre thèse?
La thèse co-encadrée par Messieurs Arnaud Tanguy (UMR ADDM, Roscoff) et Sébastien Duperron (UMR MCAM, Paris) porte sur l’étude de deux macro-organismes, des palourdes de la famille des Lucinides (Loripes orbiculatus et Lucinoma borealis) pour observer et mieux comprendre les différents mécanismes impliqués dans les (endo)symbioses chimiosynthétiques dans le but de développer un organisme modèle.
Les palourdes sont en association avec des bactéries sulfo-oxydantes (Candidatus Thiodiazotropha endoloripes) invaginées dans les cellules épithéliales dans tissus branchiaux des Lucinides. Ces bactéries, appelées symbiotes, possèdent une activité sulfo-oxydante permettant d’oxyder des composés soufrés comme l’H2S en présence d’O2 pour les convertir en substrat carbonés organiques assimilable par l’hôte ainsi qu’en énergie sous forme d’ATP. C’est ce qu’on appelle la chimiosynthèse. A l’inverse de la photosynthèse qui utilise l’énergie du soleil, la chimiosynthèse utilise l’énergie provenant des réactions d’oxydoréductions. Il s’agit du principal processus de production primaire (matière organique) dans de nombreux environnements comme les sources hydrothermales de l’océan profond, ou ce phénomène a été historiquement découvert. En convertissant l’H2S en carbone organique, les bactéries participent à la dépuration de l’environnement local en molécule toxique, ce qui favorise la production de l’herbier. On a donc un phénomène peut-être au cœur d’un service écosystémique majeur.
L’objectif du projet est double ; apporter un organisme modèle pour l’étude des symbioses chimiosynthétiques et caractériser le rôle écologique de cette symbiose dans les herbiers marins.
L’avantage de se tourner vers les Lucinides de la station biologique de Roscoff est qu’ils sont facilement récupérables et permettent d’étudier de façon simple un phénomène difficilement observable. En plus de cet accès facilité, la famille des Lucinides est la famille de bivalve symbiotique la plus diversifiée sur Terre, ils sont présents dans de nombreux environnements (mangrove, sédiments, eaux profondes…) et ont une biodiversité associée plutôt simple. Avec ces atouts, Loripes et Lucinoma se présentent comme de bons candidats pour devenir des organismes modèles pour l’étude des symbioses chimiosynthétiques.
Les axes de recherche ont été établis pour répondre à ces objectifs :
- Quels sont les mécanismes moléculaires impliqués dans la sélection des symbiotes ?
- Identification des métabolismes impliqués dans la gestion des sulfures (hôte et symbiotes).
- Rôle et importance du microbiome dans l’établissement et/ou la régulation de la symbiose et importance de la symbiose dans l’environnement.
Pour répondre à ces questions de ce projet pluridisciplinaire, il est prévu de cultiver les palourdes dans des aquariums spécialisés capable de mimer l’environnement naturel. Durant la culture, certaines palourdes seront rendues apo-symbiotiques puis réexposées à différentes sources de symbiotes. Pour mieux comprendre le rôle des symbiotes, différents stades de développement des palourdes seront étudiés, des œufs, apo-symbiotiques, aux adultes symbiotiques. Les différents mécanismes d’acquisition de la symbiose seront étudiés par des analyses génomiques et transcriptomiques. L’identification des métabolites impliqués dans la régulation de la symbiose seront identifiés par métabolomiques. Le microbiote des Lucinides sera étudié par métabarcoding.
Il n’existe pas d’organisme modèle pour l’étude des symbioses chimiosynthétiques actuellement, ce projet permettra d’apporter à la communauté scientifique une ressource pour approfondir les connaissances à ce sujet. De plus, la potentielle symbiose tripartite entre les herbiers, les palourdes et leurs symbiotes pourrait être mise en évidence à la suite de cette thèse grâce aux différentes conditions mise en place durant les expérimentations.
Quelle(s) difficulté(s) pourriez-vous rencontrer?
La première difficulté liée à ce sujet est de réussir à cultiver les palourdes et les faire se reproduire pour faciliter les analyses. Des tests encourageants sont en cours et certains résultats sont déjà disponibles. Il est possible de maintenir en vie les palourdes sur des longues durées et jusqu’à 4/5 mois sans leurs symbiotes. De plus, les génomes des deux Lucinides sont déjà disponibles et assemblés ce qui fournit une base de données indispensable pour approfondir les analyses génomiques. Si la culture en laboratoire ne marche pas, il sera toujours possible de prélever les individus sur le terrain, l’herbier où ils vivent, se situant en face de la station de Roscoff.
Quelles sont les principales compétences que demandent votre sujet ?
- Microbiologie
- Culture en aquarium
- Génie génétique et biologie moléculaire
- Chimie analytique
- Techniques « omiques »
- Bio-informatique
- Ecologie
Aviez-vous déjà travaillé sur des sujets proches en Master ou en stage ?
Oui, j’ai souvent travaillé en tant que microbiologiste en utilisant la biologie moléculaire. Par contre, un tel emploi des techniques omiques reste nouveau pour moi mais est indispensable pour répondre aux objectifs. C’est un vrai plus que de pouvoir mettre en place toutes ses différentes techniques.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours?
Il est très important pour moi de maitriser les deux dimensions inhérentes au scientifique ; la maitrise technique et de bonnes connaisssances fondamentales. C’est pour ça que j’ai choisi de faire un Bac technologique STL (Sciences et Techniques de Laboratoire) à Rennes, suivi d’un IUT Génie Biologique ABB (Analyses Biologiques et Biochimiques) à Brest (UBO). J’ai ensuite voulu m’orienter vers la voie de la recherche en suivant une licence 3 de Biotechnologie, à Rennes 1, pour me spécialiser dans l’emploi des micro-organismes en tant qu’outils technologique. J’ai ensuite fait un M1 spécialisé dans les micro-organismes, la chimie analytique et les Bioprocédés, à Lorient (UBS) duquel j’ai terminé major de promotion afin de pouvoir intégrer le M2 MES (Microbiologie, Environnement et Santé) de la Sorbonne et du MHNH.
Les thématiques qui font le fil rouge de mon parcours pluridisciplinaire sont :
- Microbiologie
- Génie génétique
- Chimie analytique
- Ecologie/Ecotoxicologie
- Biotechnologie
- Techniques de laboratoire
Quel est votre lien avec l'océan ?
En tant que Breton, j’ai toujours été en lien avec la mer et l’Océan. Je suis fortement attaché au littoral et à sa protection. J’ai créé une association « BlueBioBreizh » avec des amis pour promouvoir les biotechnologies bleues auprès des jeunes étudiants ainsi que réaliser des actions de sensibilisation à la protection des environnements marins. J’ai aussi réalisé plusieurs journées de ramassage de déchet (protocole OSPAR) et participer à des inventaires de la faune et la flore marines. Je suis aussi apnéiste et je réalise de la vidéo/photo sous-marine. Je cherche à passer mon permis bateau et mes niveaux de plongées afin de m’en servir dans mon futur travail de chercheur car je souhaite le plus possible aller sur le terrain pour mieux observer l’environnement des élément étudiés.
Pourquoi avez-vous candidaté à Sorbonne Université
En toute honnêteté, la Sorbonne était pour moi, en tant que jeune étudiant Breton, inaccessible. Pour mon stage de M1, je souhaitais intégrer les équipes du LOMIC, un laboratoire basé à la station biologique de Banyuls/Mer. Malheureusement, ils ne pouvaient pas me prendre mais m’ont dit qu’ils pouvaient prendre les majors de promotion du M1 afin de faire un stage de M2 avec eux l’année d’après. Très bien, j’avais mon objectif. J’ai réussi à l’atteindre en me donnant les moyens car c’était mon rêve d’intégrer la Sorbonne car cela me facilitait l’entrée dans le monde de la recherche, un des premiers buts de mes études scientifiques. La diversité de laboratoire et de chercheurs travaillant à la Sorbonne est juste impressionnante et permet d’innombrables possibilités en laissant la place à tous les secteurs de recherche.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans la recherche ?
Chercher est un plaisir. Trouver est une récompense. Hormis ma curiosité sur le monde vivant, je souhaiterais partager mes connaissances avec les autres, j’aimerais devenir enseignant chercheur. Je souhaite aussi participer, à mon échelle, à des recherches environnementales afin d’essayer de remédier aux pollutions anthropiques.
Quels stages avez-vous déjà menés par le passé ?
J’ai réalisé 5 stages et j’ai eu un emploi de technicien de laboratoire en microbiologie. En terminale j’ai fait un stage à l’INRAE sur le suivi de polluant organique dans les sols. En IUT, j’ai fait un stage à l’INRAE sur l’étude des microvésicules sécrétées par Propionibacterium freudenrechii afin d’optimiser la production de protéines anti-inflammatoire. En M1, j’ai fait une formation à la recherche et aux techniques « omiques » à la station biologique de Roscoff et mon stage au LBCM sur la valorisation d’une algue invasive (Sargassum muticum) en faisant des éco-extraction assisté par des micro-organismes pour récupérer des composés soufrés. Enfin, je suis en stage de M2 à la station biologique de Banyuls/Mer, en collaboration avec le LOMIC et Plastic@sea pour un stage de R&D pour mettre au point une technique de routine, encore inexistante, permettant de quantifier le biofilm bactérien associés à des plastiques (plastisphère) via la qPCR.
Quel est votre objectif professionnel ?
Je souhaite devenir enseignant chercheur pour transmettre mes connaissances. Je me souviendrais toujours des enseignants qui étaient capables de transmettre leur passion pour une thématique. Nombre de ces personnes ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. J’aimerais donner à mon tour l’envie à des jeunes de participer à la recherche scientifique, ou tout autre activité d’ailleurs.